Article parut dans le journal du Sud Ouest.
Une main ouverte pour la planète
C’est un voyage pour redécouvrir les terres, les combats et les bonnes raisons de vivre ici. Comment une sculpture a bouleversé la vie de l’artiste brésilienne Celia Gouveiac, qui en a conçu un concept humaniste universel.
Elle a la chair de poule quand elle parle d’elle. La voilà, la sculpture qui aurait de la matière humaine et du sentiment. Elle ressemblerait à une personne singulière, qui arrive un soir dans votre vie et change tous les paramètres. C’est une main ouverte dont l’index rejoint le pouce. Entrons dans un monde merveilleux où tout paraît possible. C’est l’histoire d’une artiste et de son œuvre qui vont ensemble.
Que savons-nous ? Il s’agit d’une voyageuse habitée aux yeux noirs, que Bordeaux, dans son nouveau costume de ville en goguette, a brusquement séduite. Celia Gouveiac, 43 ans, est née dans une ferme du Sertão, au Brésil, a appris la danse dans la jungle des conurbations, s’en est échappée pour devenir mannequin à Lisbonne. Elle a investi Paris pour étudier le théâtre classique et le chant, réjouie d’être soprano et fascinée par les grands maîtres de la peinture européenne. Mais c’est la sculpture qui l’a happée. Trois années de cours avec le sculpteur figuratif Petrus l’ont plongée dans l’anatomie géométrique. Un soir, elle s’est posée à La Turbie, au-dessus de Monaco. Son œuvre est née au soleil, dans l’arrière-pays niçois. À l’ami qui lui demandait ce qu’elle voudrait sculpter dans sa propriété, elle a dessiné un rond avec ses doigts. Un geste de bien-être qui, chez elle, fige un plaisir d’exister. C’est sa manière de dire oui au privilège de faire partie des vivants. Le geste est resté imprimé. Elle a d’abord fabriqué une argile de 20 centimètres. Puis entrepris de tailler avec acharnement un bloc de 2,20 m en béton cellulaire, huit heures par jour pendant trois mois. Est née cette main qu’elle a appelée « Yes to Life » (1), oui à la vie, exposée tout de suite à Monaco, Nice, Cannes et Saint-Tropez.
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Et donc un dialogue s’est engagé, quelque chose de secret, loin du fracas. Quelle est la puissance symbolique d’une main ? Pourquoi cette main a-t-elle eu une influence immédiate sur celle qui l’a conçue ? Est-ce la même position que figurent les mudras de l’hindouisme ou certaines attitudes du Christ dans les icônes byzantines ? Elle s’interroge, trouve des réponses, se projette. Elle raconte que, depuis la naissance de la sculpture en 2006, elle a pénétré un univers inconnu, rencontré des gens de grande richesse, notamment dans l’humanitaire. La main lui a permis de grandir, d’apprendre des autres et d’elle-même. Elle lui a imposé d’agir. « Nous vivons beaucoup, dit-elle, dans le passé, ou le futur, mais nous passons facilement à côté du présent de nos vies. » Une funeste tragédie, dont les cimetières bercent l’immensité.
Le magnétisme de la main, au fil des jours, lui a ouvert la voie d’un concept. « Yes to Life » est désormais appelée à voyager. Œuvre artistique, universelle, neutre, apolitique et profane, elle a pour objectif de porter un message humaniste sur l’ensemble de la planète. Celia Gouveiac veut engager une conversation mondiale autour de l’œuvre interactive et démontable, en l’habillant d’expositions, de débats et de projections. Une agence bordelaise d’architecture travaille à son développement. Il existe des ambassadrices, telle la comédienne Cyrielle Claire, pour la défendre au profit d’ONG. L’œuvre portera notamment la cause des enfants.
Serions-nous en présence d’une utopie considérable ? Ça existe encore, l’utopie ? « Oui, dit-elle, cela peut paraître follement naïf et je m’en moque. Le projet m’émeut et m’imprègne. Je le prends comme une mission. Nous avons à guérir de l’aveuglement humain. Chacun d’entre nous est plus fort que n’importe quelle manipulation. Nous devons engager une réflexion sur nous-mêmes pour changer l’humanité. Je préfère apprendre à être, plutôt qu’à posséder. L’important, c’est de s’aimer ». L’art peut-il nous lier, fût-ce avec modération ?
« Yes to Life », par extraordinaire, devient donc un objet de discussion, une passerelle d’éveil pour peuples attentifs, un message de paix, un moteur d’événements spectaculaires comme il nous en manque tous les matins dans le gris. Les cinq continents sont visés, et cinq villes sont pressenties pour accueillir chacune ce personnage de plus de 10 mètres de haut, héros principal d’une idée à tiroirs. « Yes to Life », posée à Bargemon, dans le Var, participe déjà au concours GemlucArt de Monaco, engagé dans la lutte contre le cancer. Le concept essaime. Si vous voyez une main ouverte dans le paysage, c’est que Celia Gouveiac est passée par là. Ne vous cachez pas la vérité. C’est inespéré, mais vous êtes en train de devenir meilleur. Vous progressez vers vous-même.