âme coeur – Bois de chêne 2019

À partir de 2015, Celia Gouveiac bascule vers une production plus brute et sort des canons de beauté traditionnels. Il s’agit pour elle de figurer une intériorité, notre humanité par la création de symboles universels et intemporels. De pointer du doigt la solution que nous connaissons pourtant, l’amour inconditionnel, et de l’incarner. Deux formes longilignes s’entremêlent, échangent un baiser, leur tête, ainsi rassembler, composent un cœur. La série les « Âmes cœurs » nait en 2018. Il ne s’agit plus là de distinguer un homme ou une femme, mais d’insuffler, dans le regard du public, l’idée de l’être humain en connexion avec un autre être humain. Une osmose lumineuse aussi simple que naturelle, une ode à la vie qui dit toute la fascination que l’artiste porte à l’humanité, tout à la fois géniale et médiocre. 

Les âmes coeurs vu par Jean Rodolphe LOTH

Il me tient à coeur de vous transmettre mes impressions, fondées sur ma rencontre avec l’artiste Celia Gouveiac, reliée à mon approche de sa singularité artistique, via ses toutes dernières oeuvres : ces figures de bois sculpté, réunies dans un dispositif d’installation spécifique in situ, à la galerie « La vitrine », à Bordeaux.

Personnellement, c’est l’énergie radicale de ces gestes de taille et d’extraction de la figure, dans le bois écorcé, qui m’aura touchée.

La radicalité, c’est ce qui touche à la racine, au fondamental et au premier. Mais cette radicalité ne peut relèver d’un post ou néo-primitivisme.

Il me semble bien que Celia Gouveiac, avec le surgissement de ces sculptures rassemblées par le dit de « l’âme-coeur », nous représente un face à face avec des effigies de l’urgence, qui sont comme des bifaces, au nouage de la promesse et du mortel malentendu. Ces bifaces fonctionnent comme des apostrophes à notre dualité, dualisme, duplicité…

C’est qu’il y a encore trop à guérir de certaines confusions agissantes à partir de l’idéologie des reconfigurations émancipées de l’art moderne, via les effets d’emprunts et aux fonctions fort opposées, des arts extraoccidentaux à l’art primitif ou premier, c’est selon…

Il y a nécessité politique et éthique à considérer ce que la mondialisation du marché de l’art laisse perdurer comme structures post-coloniales de hiérarchisation des formes et figures, voire, plus violemment encore, comme consentement implicite et explicite à ladisparition de cheminements artistiques, discriminés ou recyclés, rendus impraticables ou insoutenables.

Erigés, iIs sont duels, comme le rappel irrépressible à une voie tierce, pour montrer simultanément un état alarmant de la division.

Quand le régressif et l’archaïque est repris par les sujétions inquiétantes du politique et du religieux , ce sont les parts irréconciliées de tout un chacun qui sont livrées au risque des fascinations inverses et violentes. L’heure est particulièrement grave !

Ainsi sont elles à l’assaut de la verticalité, ces « âmes-coeurs » comme une irrépressible manifestation d’une voix…aporétique, mais qui ne peut être détenue par un silence délétère, celui là même qui vous réduit au silence, à la non parole.

Alors, avec ses sculptures au vif de l’aubier, Celia Gouveiac nous pose au devant d’un paradoxe qu’il faut soutenir…à bois nu, écorché.

Nous n’oublierons pas que le mot liber désigne ces feuillets successifs qui stratifient progressivement l’aubier de l’arbre, lequel mot signifie simultanément, dans la langue latine, l’enfant et le libre.

Aussi, l’émondage de l’aubier laissé sans décor ni manière, nous conduit à voir et en entendre en même temps l’urgence sans précédent et la voie intime, en soi et autour de soi, d’une conscience impérative et aiguë : à bon entendeur 

Par J.R LOTH / juin 2019 Conferencier en histoire des arts, professeur agrégé d’art plastique

Heart Souls

It is important for me to share with you my impressions, based on my meeting with the artist Celia Gouveiac, related to my approach of her artistic singularity, through her latest works: a number of carved wood figures gathered in a site specific (in situ) installation device at the La Vitrine Gallery, in Bordeaux.

Personally, it is the radical energy of the gesture of carving and extraction of the figure, and its peeled wood, which moved me. Radicality, is that which touches the root, of the fundamental and the premier. However, this radicality can not allude to a post or neo primitivism. It is because there is still so much to heal regarding certain confusions enacting from the ideology of emancipated reconfigurations of Modern Art, through borrowed effects and strong opposing functions, of the extra Western Arts to the primitive Primitive Art, according to…

There is a political and ethical necessity to ponder about what globalization of the art market allows to emerge and promote as postcolonial structures or hierarchization of forms and figures, even violently, as an implicit and explicit consent at the brink of the end of artistic pathways, whether discriminated or recycled, made impossible to practice or sustain.

It seems to me that Celia Gouveaic, with the emergence of this work united by the so-called “Heart Souls”, brings us a face to face with effigies of urgency, that seem two-folded, knotting promise and mortal misunderstanding. These double sided statues function as apostrophes to our duality, our dualism and duplicity … Erect, they are dual, like the irrepressible reminder of a third way that simultaneously points out an alarming state of division. When the regressive and the archaic are taken up by the disturbing subjections of the political and the religious, it is the irreconciled parts of each one of us that is exposed to the risk of contrary and violent fascinations.

This is a particular serious time !

The assault of verticality, of these “heart souls” as an irrepressible manifestation of a voice … aporetic, which however can not be held by a deleterious silence, the very one that reduces one to a wordless speech.

So, with her sculptures in the sap of the sapwood, Celia Gouveiac presents us with a paradox that we must sustain and support … with naked bare wood, skinned. Let us remember that the word liber designates these successive sheets which gradually stratify the sapwood of the tree, that by the same token in Latin means, child and free.

In addition, the blunt pruning of the sapwood without further artifice and manner, guides us into seeing and hearing at the same time the unprecedented urgency of the time and the inner path, within and without, that invariably leads to an imperative sharp consciousness. Pay heed !

J.R LOTH / June 2019